Un paquetage pour simple bagage, c’est une Héria éreintée qui vit enfin apparaitre le panneau tant attendu lui signifiant son entrée dans la Nouvelle-Orléans. Elle voyageait depuis presque une semaine, utilisant autant de méthodes de transport que possible depuis l’Afrique du nord, pour finir par récupérer sa vieille bécane planquée dans une bourgade non loin d’Atlanta. Au bout de son périple, 6 h de route dans les jambes et l’estomac dans les talons, elle ne fit pas sa difficile pour trouver un premier endroit où s’arrêter manger et passer la nuit.

La faim la conduit sur le parking d’un bar à l’ancienne où une ribambelle de custom attendaient patiemment leurs propriétaires. Sa 883 allait se fondre dans la masse comme une championne. C’est avec un sourire satisfait qu’elle coupa le moteur pour se redresser et étirer ses muscles douloureux. Pour sûr, elle aurait bien aimé un bon massage, mais elle doutait de trouver ce qu’elle cherchait dans l’espèce de cabane en bois élue antre de beuverie.

Elle n’avait plus qu’à espérer que cette ville serait la bonne et qu’enfin elle viendrait à bout de son problème. Bien que l’idée même des longues heures de recherches, de négociations, d’essais divers et variés, qui l’attendaient, la fatiguait d’avance. Et encore, le pire était sans doute de devoir dealer avec les charlatans lui assurant l’avoir guérie sans l’ombre d’une preuve. Comme si elle pouvait être aussi naïve. Et puis même si elle l’était, de toute façon, elle pouvait le sentir. Cette foutue malédiction, ou quoi que ce soit, était suspendue au-dessus de sa petite tête si mignonne. Comme un ver qui se déplace lentement sous la surface de l’épiderme, pas si douloureux, mais extrêmement dérangeant et objet à psychose.

La sorcière s’ébroua discrètement pour se sortir de ses pensées noires et franchit la porte en bois passablement amochée du bar. L’odeur si particulière de l’endroit la frappa en plein visage, lui faisant plier le nez de surprise. Un mélange de poussière, de sueur, d’alcool, de vieux bois et de sang pour les odorats affinés. Les clients ne descendaient pas ici pour la propreté et l’hygiène à première vue. Héria hésita un instant à remonter en selle pour se trouver un point de chute, mais la fatigue et la lassitude eurent rapidement raison de cette hésitation.

La brune ne fit pas attention aux quelques regards qui la suivirent jusqu’au bar, ils se désintéresseraient bien assez vite, et s’installa nonchalamment sur l’un des tabourets. Son paquetage atterrit sur le tabouret voisin, suivi de sa veste, le temps que la tenancière ne la remarque et l’aborde.

La sorcière commanda le plus basique des burgers et une pinte pour le faire descendre avant de défaire sa longue tresse, libérant la tignasse brune vierge du moindre nœud dû au vent de la route. Ses doigts virent rapidement effleurer le cuir chevelu pour le soulager de la longue pression qu’elle lui avait fait subir.

Elle réussit à manger sans être interrompue, mais sa dernière frite avalée sembla être un signal de départ silencieux. C’est au détour d’une invitation bourrue et salace que la sorcière fut invitée au sous-sol pour y découvrir un espace vierge de tout meuble, exceptée une cage en treillis grossier et un bar assurant que le taux d’alcoolémie, jamais ne baisse. La tenancière lui avait promptement fait mettre ses affaires en consigne avant de l’inviter à se laisser guider.

Le manque de motivation pour négocier une sortie en douceur la poussa à suivre le mouvement sans trop poser de question. Après avoir descendu quelques marches, la sorcière se retrouva très vite à évoluer lentement au milieu des corps déjà enragés et agglutinés autour des grilles qui abritaient un des combats de la soirée. Un simple coup d’œil lui assura qu’il ne s’agissait que d’humains, elle n’y prêta donc pas plus d’attention et se contenta de déambuler en se laissant porter par les cris, les sifflements et les coups. Elle réussit ainsi l’exploit de semer le balourd qui l’avait introduit dans ce qui semblait être une arène de combats illégaux.

Son errance finit par la guider jusqu’au bar où elle prit le temps de se faire servir une nouvelle pinte. La chaleur de l’endroit poussant bien évidemment à la consommation de boissons fraîches. Et elle repartit aussi sec dans sa déambulation un peu hagarde de fatigue. Elle s’immobilisa dans un coin de salle, son regard errant sur la foule sans vraiment se poser, jusqu’à ce qu’un éclat de chevelure blonde n’attire son attention vers la cage.